jeudi 13 septembre 2012

Des corps


Israël Galvan



Israël Galvan, Flamenco festival de Londres, 2011





Israël Galvan, en ce sens, serait bien un danseur por soleares : un danseur qui se meut à vif dans le terreau, dans la matière de ses solitudes. Por soleares, c’est-à-dire : à cause des solitudes, en vue des solitudes, à travers les solitudes, au moyen des solitudes, en lieu et place des solitudes … Mais pourquoi « les » solitudes, quand on imaginerait plus volontiers qu’être seul, c’est d’abord être un seul ? Comprendre cela revient à toucher le fond esthétique – mais aussi éthique – de cette danse même : ou comment à l’inverse des danseurs qui se mettent ensemble pour créer à plusieurs l’unité d’une chorégraphie, le danseur, ici, ne s’isole que pour être plusieurs, ne former soi-même ni unité, ni ensemble, créer au contraire du multiple avec son seul corps en mouvement (…)

L’élément inhabituel : son corps n’est pas « tenu » comme celui, immédiatement reconnaissable, du danseur professionnel ou, peut-être, du torero qui veut montrer qu’il l’est. Ce n’est pas un corps soucieux de soi, du moins à première vue. Il ne cherche pas à corriger ses défauts. Il accepte sa singularité. On commencera donc par remarquer les épaules dissymétriques, le plutôt gros cul, le ventre en avant, la stature râblée, les mollets puissants, la tête qui a tendance à toujours chercher de l’avant, l’étrange profil du nez. (…) Ce corps-là est, de fait, plus modeste et plus intelligents que les autres : il n’annonce jamais qu’il va devenir sublime. (…)

On connait l’analyse classique de la grâce de Bergson : la grâce est faite de fluidité, de facilité ostensible, de régularité rythmique, de mouvements courbes où rien ne se brise et où, par conséquent, le spectateur peut prévoir ce que le mouvement est en train de devenir. « Comme les mouvements faciles sont ceux qui se préparent les uns les autres, nous finissons par trouver une aisance supérieure aux mouvements qui se faisaient prévoir, aux attitudes présentes où sont indiquées et comme préformées les attitudes à venir. Si les mouvements saccadés manquent de grâce, c’est parce que chacun d’eux se suffit à lui-même et n’annonce pas ceux qui vont les suivre. Si la grâce préfère les courbes aux lignes brisées, c’est que la ligne courbe change de direction à tout moment, mais que chaque direction nouvelle était indiquée dans celle qui la précédait. La perception d’une facilité à se mouvoir vient donc se fondre ici dans le plaisir d’arrêter la marche du temps, et de tenir l’avenir dans le présent. »

Georges Didi-Huberman, Le danseur des solitudes, 2006




 Les portraits à l'envers de l'artiste allemand
Georg Baselitz
Georg Baselitz, Kulakentröstung, 2009

Georg Baselitz, Licht im Kreml, 2009

Georg Baselitz, Mondung, 2009

Georg Baselitz, Sono scuro, 2010

Georg Baselitz, exposition Dr Freud and Other Music, 2009
 
Georg Baselitz, exposition Dr Freud and Other Music, 2009
Le site de Georg Baselitz 
 
 
Shinichi Maruyama, série Sweeping nude, 2012





Le site de Shinichi Maruyama