jeudi 16 août 2012

Fripes urbaines

Amy Casey, Ballast, 2011

Les villes et les échanges
A Ersilie, pour établir les rapports qui régissent la vie de la ville, les habitants tendent des fils qui joignent les angles des maisons, blanc, ou noir, ou gris, ou blanc et noir, selon qu’ils signalent des relations de parenté, d’échange, d’autorité, de délégation. Quand les fils sont devenus tellement nombreux qu’on ne peut plus passer au travers, les habitants s’en vont : les maisons sont démontées ; il ne reste plus que les fils et leurs supports.
Du flanc d’une montagne, où ils campent avec leurs meubles, les émigrés d’Ersilie regardent l’enchevêtrement de fils tendus et de piquets qui s’élève dans la plaine. C’est là toujours la ville d’Ersilie ; et eux même ne sont rien.
Ils réédifient Ersilie ailleurs. Avec des fils ils tissent une figure semblable qu’ils voudraient plus compliquée et en même temps plus régulière que l’autre. Puis ils l’abandonnent et se transportent encore plus loin, eux même et leurs maisons.
Ainsi en voyageant sur le territoire d’Ersilie, tu rencontres les ruines des villes abandonnées, sans les murs qui ne durent pas, sans les os des morts que le vent fait rouler au loin : des toiles d’araignée de rapports enchevêtrés qui cherchent une forme. 

Italo Calvino, Les villes invisibles, 1972


 Amy Casey, City Center, 2011
 Amy Casey, Cocoon, 2011
 Amy Casey, Tensile Strength, 2011
Amy Casey, Tether Study, 2011 
Amy Casey, Twist, 2010

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