mardi 17 avril 2012

S'endormir à côté du monde

Edward Hopper, Hotel room, 1931





L’intérieur d’une chambre de motel se réduit de même à l’essentiel. C’est un rectangle d’environ 16m2 divisé en deux parties : l’espace principal où se trouve un lit ou deux (…), une table de chevet avec sa lampe et son téléphone règlementaire, dont le tiroir renferme une bible et la brochure du motel (…), deux ou trois chaises (voire un fauteuil) et une console murale au-dessus de laquelle est fixée le poste de télévision  ; et la salle de bain d’une blancheur immaculée où les seuls accessoires disponibles sont les verres en plastique sous cellophane et les serviettes amidonnées.  (…) Parfois un ou deux tableaux encadrés ou de simples reproductions photographiques égayent les pans dénudés de la pièce. (…)
Monde refermé sur lui, sorte de Resprivata en périphérie de toute Respublica, la chambre du motel constitue une entité autarcique.  (…)
Elle donne directement sur le parking comme si elle voulait exprimer par là son refus catégorique de devenir un édifice. En fait, elle s’imagine toujours ailleurs, ni sur la route, ni dans le bâtiment. Simple alibi, elle parvient à gagner sa place sur la terre sans la justifier par un emplacement véritable.
Ainsi la chambre du motel constitue un écran total qui retranche du monde l’espace muré du repos, sans autre point de jonction que la porte. (…)
Dans sa constance intemporelle, elle créé ce prodige d’un espace autoréférent qui efface ses propres délimitations et entraine ainsi celui qui l’occupe à ne plus se soucier de ce qui pourrait être Autre.
 


Bruce Bégout, Lieu commun, 2003




Tatzu Nishi, Engel, Suisse, 2002


 Tatzu Nishi, Villa Victoria, Liverpool, 2002

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire